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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

mourir pour lui, ses moindres désirs sont des lois pour tous ceux qui l’entourent, et cependant, aujourd’hui, il se trouve misérable, faible, pauvre, déplorablement pauvre d’imagination, car voici plusieurs jours qu’il cherche quelle surprise il pourrait bien faire à sa fille pour l’anniversaire de sa naissance, et il n’imagine rien.

Il est vrai que cette princesse, qui demain aura seize ans, possède tout ce qu’il est possible de posséder : elle a des oiseaux merveilleux, de fantastiques poissons, des chiens extravagants, des chars, des bœufs, des chevaux, des palais, tout ce qu’elle a pu désirer, et même des merveilles auxquelles elle ne songeait pas et qu’on a fait venir pour elle de lointains pays.

Le Daïmio s’avoue, en branlant la tête, qu’il a trop gâté cette fille bien-aimée, qu’il n’aurait pas dû la combler ainsi, lui faire épuiser, à peine entrée dans la vie, toutes les richesses du monde. Que faire maintenant ? sa puissance est à bout, il n’a plus rien à offrir à son enfant, pour l’étonner et la charmer.

À quoi sert donc d’être prince ?

Longtemps, à travers la transparence trouble de la fenêtre, il laisse errer un regard ennuyé sur le jardin dépouillé, sur le ciel gris et pleurard.

— Que peut-elle bien désirer encore ?

Tout à coup il se leva.

— Allons la voir, se dit-il, je pourrai peut-être, sans qu’elle se doute de rien, deviner son caprice.