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LE PRINCE À LA TÊTE SANGLANTE

« Fleur-Royale cessa de frapper le gong ; parmi les armes qu’on avait jetées sur le sol, elle ramassa un arc, prit une flèche dans un carquois et la lança vers To-Ding. Le Ciel conduisait son bras, car la flèche atteignit le monstre qui tomba sur un genou.

— Ma sœur fidèle, va, et tranche-lui la tête, me cria Fleur-Royale. Ce glaive est pour cette action en ta main.

« Aussi prompte que sa volonté, j’obéis à ma sœur ; je gravis les marches en deux bonds et, aidée aussi par le Ciel, d’un seul coup je fis tomber la tête de To-Ding.

« Des mandarins annamites avaient saisi à la gorge les guerriers chinois, qui voulaient se porter au secours de leur maître ; ils les renversaient et les terrassaient, tandis que je montrais à la foule la tête grimaçante du tyran.

« Fleur-Royale posa le pied sur le corps de ce pourceau qui dégorgeait une cascade rouge du haut de l’escalier.

« Elle fit un geste de la main et un profond silence s’établit.

— Vois, peuple, dit-elle, vois ce que deux femmes ont pu faire : le noble Khisak est vengé, et toi, te voilà délivré de l’odieuse tyrannie qui t’écrase depuis si longtemps. Ce que vos cent mille bras robustes n’ont même pas tenté, nos mains fragiles l’ont accompli. N’avez-vous pas honte ? Ne voulez-vous pas achever l’œuvre, prendre votre part de gloire !