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L’IMPÉRATRICE ZIN-GOU

est venue : elle veut pêcher à l’hameçon dans cette rivière.

Debout sur un petit tertre, elle jette la ligne et dit à voix haute :

— Si je dois réussir dans mon entreprise, l’amorce sera mordue, sinon elle restera intacte.

Un grand silence règne ; tous les regards sont fixés sur la légère bouée flottant sur l’eau. La voici qui oscille et danse ; la souveraine d’un geste vif enlève la ligne au bout de laquelle un éperlan s’agite et luit comme un poignard.

Des acclamations joyeuses éclatent.

— En route ! s’écrie Zin-Gou, la flotte nous attend et la victoire est certaine !

On arrive à la rade de Kasifi-No-Oura. La flotte apparaît magnifique et formidable : les grandes jonques ressemblent à des monstres et les voiles sont comme des ailes ! les marins acclament l’armée impériale qui répond par un long cri.

La souveraine a mis pied à terre ; elle s’avance jusqu’aux bords des flots, et, enlevant sa coiffure d’or, dénoue ses longs cheveux. Pour en effacer les parfums, elle les baigne dans la mer, puis les tord, les relève, en forme un chignon unique, tel que les portent les hommes.

Elle saisit alors une hache d’armes et monte sur la plus belle des jonques.

De là, à tous, l’Impératrice guerrière apparaît comme sur un piédestal. Elle a revêtu l’armure de