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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

gaze, bondit près de lui, belle, grande, gracieuse dans ses pâles et longs vêtements nocturnes.

— Toi ici ! s’écrie-t-elle, loin du combat ! Qu’est-il arrivé ? La défaite ?

Také-Outsi se prosterne.

— Non, princesse, dit-il, mais pis que cela.

— Quoi ? Quoi donc ?

— Le descendant des dieux, le sublime Empereur, ton époux est mort… Il combattait à la tête de ses guerriers, les conduisant à la victoire. Une flèche coréenne l’atteignit… Il est retourné dans le séjour céleste.

— Ah ! mes pressentiments ! s’écrie l’Impératrice, en crispant ses doigts dans sa longue chevelure éparse, l’avis surnaturel qui me fut donné que le maître du Japon ne devait pas marcher en personne contre ce peuple !… Tsiou-Aï-Teno n’a pas voulu me croire et il n’est plus ! il a quitté la terre, l’époux héroïque, le fils du Prince des Guerriers, celui qui, par piété filiale, rassembla plus de cent mille oiseaux blancs, l’âme de son père s’étant réfugiée dans le corps d’un sira-tori, le héron aux grandes ailes ! Où est-elle, à son tour, l’âme du fils si tendre ? Hélas ! hélas ! où est-elle ?

Mais, subitement, l’Impératrice s’apaise, secoue sa tête fière et fait signe au général de se relever.

— Alors tout est perdu, dit-elle, la victoire nous échappe

— Rien n’est perdu, ô ma souveraine, dit Také-