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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

« L’infâme To-Ding s’était levé du trône et il quitta la salle, gagnant en hâte l’intérieur du palais, comme si lui aussi s’enfuyait.

« Moi j’arrachai le glaive encore terni à la main du bourreau et je suivis Fleur-Royale.

« Elle était déjà arrêtée dans la grande allée, devant le gong de justice et tenant toujours par les longs cheveux la tête de Khisak. Tout à coup, cette tête tournoya et vint frapper violemment le disque sonore.

« Oh ! les sons lugubres et terrifiants !

« À chaque heurt du crâne, ils s’enflaient, grondaient, roulaient d’échos en échos, bruit d’écroulement, de cyclone, de flots déchaînés. C’était un prodige. Le ciel parlait, et toute la ville l’entendit.

« On accourait de tous côtés ; les gardes jetaient leurs armes, les esclaves se prosternaient, le peuple tendait les bras.

« Et la veuve, avec la tête de l’époux, frappait toujours, et dans le formidable tumulte on croyait entendre les plaintes des opprimés, les cris de fureur, les cris de vengeance.

« To-Ding sortit du palais, le fouet de commandement à la main, au milieu des guerriers chinois de son escorte. Il croyait, par sa présence, imposer le respect, réduire au silence cette populace. Mais lorsqu’il parut au sommet des marches, une telle clameur de haine éclata que le tyran devint pâle et fit un pas en arrière.