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LE JOAILLIER DE FOU-TCHEOU

mode de ces charmants joyaux devint générale ; l’impératrice en voulut avoir et fit venir à Pékin l’heureux joaillier, qui acquit une fortune immense et n’oublia jamais le petit oiseau mort sur la neige. »

Il y a bien longtemps que le joaillier de Fou-Tcheou dort dans un beau cercueil de cèdre, et que ses trois fils, qui continuèrent sa charmante industrie, sont allés le rejoindre ; mais la tradition a conservé, comme elle conserve tout en Chine, le procédé de fabrication de ces bijoux en plumes, et on les exécute aujourd’hui avec la même perfection que jadis.

Entre de fines cloisons d’or qui dessinent le contour d’une fleur, d’un papillon, d’une mouche, les plumes resplendissantes sont si artistiquement enchâssées qu’elles ont pour l’œil l’aspect du métal ; mais il n’y a pas d’émaux métalliques, aussi parfaits qu’ils soient, qui approchent de cet éclat, de cette fraîcheur, de ce charme étrange ; la turquoise semble un mince terme de comparaison pour ces bleus célestes, inimitables ; l’émeraude est froide à côté des miroitements sombres et clairs de ces plumes vertes, et il n’est pas de coraux qui atteignent à la finesse de ces rouges. La particularité la plus extraordinaire et la plus inattendue de ces bijoux chinois, qui éveillent l’idée d’une fantaisie frêle et passagère, c’est qu’ils sont d’une solidité extrême.