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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

semble à la mienne ; tu mangeais copieusement et tu avais chaud dans ton nid ; mais l’hiver est venu glacer la rivière qui te nourrissait et découvrir ton nid si tiède, et te voilà morte ; mais du moins tu as gardé jusqu’à la fin ta magnifique parure, tandis que mes beaux vêtements et ceux de ma femme sont depuis longtemps chez le prêteur sur gages. » — Et le pauvre homme tenait l’oiseau mort dans sa main et admirait ses plumes brillantes. Tout à coup il se frappa le front : « Quelle idée ! s’écria-t-il ; c’est le maître du ciel qui me l’envoie. » — Il se mit à marcher à grands pas vers sa demeure, en ramassant sur son chemin autant de bois mort qu’il en pût porter.

« Rentré chez lui, il alluma son fourneau depuis si longtemps éteint, puis il regarda autour de lui, comptant sur la Providence pour lui procurer un morceau de métal. Il avisa le marteau de la porte, qui était en cuivre massif. À l’aide d’un outil il l’arracha et le fit fondre au feu ; il l’eut bientôt affiné et changé en minces lamelles qu’il tordit de mille façons ; il fit un bracelet ramagé de cloisons comme les émaux, mais au lieu de pierreries ou de couleurs métalliques, il garnit les intervalles des cloisons avec les plumes du merveilleux oiseau. Alors il alla porter l´étrange bracelet à un mandarin dont le goût était célèbre ; le mandarin le regarda curieusement, l’admira beaucoup et l’acheta. Le joaillier exécuta d’autres bijoux semblables, qui se vendirent ; il remplaça le cuivre par de l’argent et de l’or ; bientôt la