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LE JOAILLIER DE FOU-TCHEOU

ne laisseront au malheureux que ses outils désormais inutiles. Le pauvre joaillier faillit devenir fou de douleur, car il se trouvait aussi dépourvu qu’un mendiant, et ses cheveux blanchirent en quelques nuits. Il tâcha de trouver de l’ouvrage, mais tous les emplois étaient remplis et il n’y avait pas de travail pour lui. Alors sa femme prit ses trois enfants et s’en alla mendier par les rues. Un jour le joaillier se promenait tristement au bord du fleuve, songeant à sa malheureuse destinée. — « Hélas ! disait-il, je crois que je ferais sagement de m’aller pendre à un clou près de la porte de quelque magistrat, avec mes poches pleines de suppliques recommandant à la charité de ce mandarin ma femme et mes enfants. »

— C’était l’hiver, le sentier était couvert de neige, les arbres décharnés et noirs avaient des liserés de givre, la glace immobilisait la rivière. De loin, le joaillier vit quelque chose sur la neige qui brillait au pâle soleil ; comme il n’avait pas la vue très bonne, il cligna ses paupières et s’abrita les yeux avec la main. — « C’est un joyau qui sera tombé là, dit-il, je tâcherai de retrouver celui à qui il appartient, je le lui rendrai et, en récompensé, il me donnera peut-être quelques pièces de cuivre. » — Le joaillier pressa le pas, mais, lorsqu’il fut tout près de l’objet brillant, il s’aperçut que c’était un Fei-tsoui mort. — « Ah ! dit-il, ce n’est qu’un oiseau mort de froid ou de faim, comme mourront bientôt mes enfants et ma chère femme. Pauvre petite bête ! Ta destinée res-