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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

cou une grosse perle blanche et la toque qui le coiffe est d’un azur incomparable, doux, brillant, métallique. Sa taille est celle d’une hirondelle. Le voici qui quitte brusquement le glaïeul et glisse sur l’eau qu’il égratigne du bout de ses ailes ; puis il revient ; mais il a une proie au bec ; une proie lumineuse comme lui-même ; c’est une petite crevette toute humide encore, transparente, qui s’agite en convulsions diamantées ; maintenant il passe au-dessus de vous et une goutte d’eau tombe sur votre front levé.

Si, en revenant vers la ville, vous demandez à quelque batelier quel est l’adorable oiseau que vous venez de voir, il vous répondra qu’il se nomme Fei-tsoui, qu’il ne vit qu’aux bords de l’eau et se nourrit de poissons ; mais si votre visage lui plaît, si, à votre air et à votre costume, il vous juge digne de son estime, le batelier vous racontera la légende du Feitsoui, touchante histoire bien connue sur les rives des fleuves de Chine et que les jeunes filles, en cueillant des bambous, chantent le long de l’eau d’une voix grêle et mélancolique :

« Il y avait dans la province de Fou-Tcheou un honnête joaillier qui vivait paisiblement avec sa femme et ses trois enfants ; son commerce n’était pas très étendu, mais il vivait dans l’aisance et était célèbre à cause de la perfection de son travail. Un jour le malheur fondit sur lui ; des voleurs s’introduisirent dans sa boutique et prirent tout ce qu’elle renfermait : les pierreries, l’or, l’argent, les perles, et