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LE PARAVENT DE SOIE ET D´OR

aboyante et hurlante, la foule l’entoura ; les soldats de police arrivèrent à leur tour en criant :

— Ne laissez pas échapper cet homme vêtu de jaune, qui outrage le Fils-du-Ciel dans la personne de l’illustre gouverneur Tchin-Tchan !

Et Sang-Yong fut saisi, garrotté, entraîné ; ses esprits étaient troublés à ce point, qu’il demanda ce qu’on lui voulait ; mais ces mots : « robe jaune », toujours prononcés autour de lui, lui rendirent bientôt la conscience de son crime et de sa situation ; alors, plus calme en apparence, mais en soi-même désespéré et maudissant l’ambition, les robes de toutes les couleurs, la noble Princesse-Blanche, la rue des Chaudronniers, les marchands et les chiens, il lui sembla déjà sentir tomber sur ses épaules les terribles coups de bambou, et il se laissa conduire sans résistance à la maison redoutée du grand chef de la justice.

Le soir même de ce jour, si fatal au libraire Sang-Yong, l’illustre Tchin-Tchan, gouverneur de Canton, se promenait avec sa fille et l’espiègle A-Tei, dans le magnifique jardin qui fleurit à côté du bois de cèdres, lorsqu’on lui apporta, de la part du grand chef de justice, un rouleau de bambou, lié par un ruban jaune. Tchin-Tchan déploya le rouleau en disant :

— C’est sans doute une sentence à laquelle il ne manque plus que ma signature.

Et Princesse-Blanche, curieuse lut tout en marchant, par-dessus l’épaule de son père :