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LE PARAVENT DE SOIE ET D´OR


gravier de la grande allée, porté par deux lions de pierre, le gong de justice, que personne ne frappait plus.

« Celui qui était assis sur le trône et, au nom du Fils-du-Ciel, l’empereur Kouan-Vou-Ti, gouvernait le pays des Giao-Gi, eût été réprouvé par les tigres comme trop cruel ; il usurpait cependant la forme humaine.

« Ce jour-là, à l’ivrogne, à l’infâme, au monstrueux To-Ding, de nouveaux époux, le vertueux Khisak et Fleur-Royale, la belle et pure, devaient, selon les rites, offrir des présents et faire leur soumission.

« Devant le trône, un lac de sang, sur les dalles, barrait la route ; la jeune épouse qui s’avançait y mira tout à coup son visage épouvanté.

« Un pari effroyable venait de prendre fin. Les courtisans de la débauche et du crime, vautrés sur des coussins, riaient encore, en enfilant des pièces d’or au ruban de leur ceinture.

« Des femmes éventrées gisaient là. En les voyant Khisak ne put retenir un mouvement de colère et de révolte ; il fronça les sourcils, serra les poings. La face de To-Ding s’empourpra et un horrible rire découvrit ses dents.

— Te crois-tu le censeur royal, s’écria-t-il, pour oser me montrer une autre expression que celle de l’humilité et du respect ? Tu peux y joindre celle de la crainte, car ta longue tête avec ses yeux étroits,