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LE FRUIT DÉFENDU

Il ne réussit qu’à l’éloigner ; mais en le chassant ainsi il le rapprochait de l’autre rive ; il passa un des petits ponts de marbre, et délicatement, entre deux ongles, il saisit le jouet. A-Tei frappait ses mains l’une contre l’autre en disant :

— Voilà un mandarin très adroit.

— Il faut lui rendre grâce, dit tout bas Princesse-Blanche, et nous retirer bien vite dans l’appartement intérieur, en le priant de ne jamais revenir dans le petit bois de Cèdres.

— Ma maîtresse te prie de revenir demain dans le petit bois de Cèdres, afin que nous puissions jouir encore de l’honneur de ta compagnie.

— Je te ferai couper la langue ! murmura Princesse-Blanche, en s’éloignant rapidement.

Sang-Yong s’était remis à saluer ; quand il releva la tête, la noble jeune fille avait disparu, mais il put voir encore, à travers les branches, l’espiègle visage d’A-Tei qui lui souriait de loin.

Le libraire était ivre de joie. Malgré la robe noire qu’il dut remettre, il se croyait un mandarin véritable ; sa conviction fut à peine ébranlée, lorsque de retour dans la ville, il vit briller la grande enseigne de sa maison, où on pouvait lire, en caractères d’or :

« Quand les personnes honorables veulent acheter des livres, elles doivent regarder l’enseigne de cette boutique ; les marchandises y sont vendues à des prix vrais, on ne trompe ni les enfants, ni les vieil-