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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

mieux le voir ; les oiseaux chantaient sa gloire ; les cèdres frémissaient, stupéfaits.

Tout à coup, deux petits rires, clairs et joyeux, éclatèrent à quelques pas de Sang-Yong ; toute la personne du libraire vêtu de jaune prit une expression d’épouvante si parfaitement comique, que les jeunes rires, s’il en avait été le sujet, eussent doublé de rapidité, comme une cascade dont la pente augmente. Cependant, il s’aperçut bientôt qu’on ne s’occupait pas de lui ; les voix riaient, parlaient, puis riaient encore.

Tranquillisé, il s’approcha de l’endroit d’où s’envolait le bruit, car il aurait affirmé que ce rire sortait de jolies bouches. Il se trouva soudain devant une palissade de bambous peints, que les cèdres lui avaient d’abord cachée, et au delà de laquelle fleurissait un jardin d’une élégance merveilleuse. Ces allées, irrégulières et entortillées comme des lianes, étaient pavées de pierres lisses, différentes de contours et de couleurs, qui formaient des dessins agréables. Des lions de porcelaine étaient assis, la gueule ouverte, à l’entrée de petits ponts de marbre qui franchissaient des lacs artificiels.

Au milieu de rochers factices, aux aspects bizarres et invraisemblables, de minces cascades glissaient sur la mousse et de tous côtés s’écoulaient vers le lac.

Dans des vases imitant des dragons, des éléphants et des monstres fantastiques, les fleurs-de-lune et les marguerites jaunes s’épanouissaient, précieusement