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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

son costume, qui, saisissant dans ses plis lisses les mille lueurs des lanternes, les réverbérait en rayons jaunes ; il disait :

— Je suis très bien, je suis un mandarin. Il regardait sa propre image dans les quatre ou cinq miroirs, et ajoutait gravement :

— Voici d’autres mandarins, non moins beaux que moi-même, qui viennent me visiter ; faisons-leur accueil selon les rites consacrés.

Alors se dirigeant tour à tour vers chaque miroir, il joignait les mains et les élevait devant sa poitrine, selon la règle du salut appelé le Kong-Tchao ; puis, accomplissant le deuxième salut qu’on nomme le Tso-I, il s’inclinait profondément, les mains jointes ; puis, il pliait les genoux sans les poser à terre, comme le Tsa-Sien l’ordonne, et enfin s’agenouillait, obéissant à la coutume du Tsien.

Mais, pensait-il, ces modes de révérences ne sont peut-être pas assez respectueux pour d’aussi respectables personnages ; acquittons-nous du Ko-Tao, qui exige que l’on frappe une fois la terre de son front après s’être agenouillé ; du San-Kao, qui demande que l’on mette trois fois de suite ses cheveux dans la poussière du parquet, et n’oublions pas le Sou-Kao, qui n’est autre chose que le San-Kao répété deux fois.

Et l’honnête libraire, agenouillé devant les miroirs, saluait en effet ses hôtes imaginaires. Il ne se coucha point avant d’avoir entendu passer la qua-