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LA BATELIÈRE DU FLEUVE BLEU

— Pour tous, je suis l’empereur, dit Hoaï-Tsong ; pour toi, je suis seulement un ami.

— Aie pitié de moi, grand empereur ! s’écria Lon-Foo en se jetant à genoux.

— Quoi donc ! dit Hoaï-Tsong, est-ce ainsi que tu m’accueilles ?

— Je ne suis pas digne de cette faveur, dit la jeune fille ; l’honneur que tu me fais m’écrase. Je t’en conjure, ne t’occupe plus de moi.

— J’ai entendu ta chanson tout à l’heure, dit l’empereur en fronçant le sourcil. Ton fiancé est loin, disais-tu ; il serait mort si je savais son nom : efface ce nom de ta mémoire et essuie tes larmes ; je vais te conduire dans mon palais et te placer parmi mes épouses. La résistance est inutile, je suis le maître.

— Hélas ! murmura Lon-Foo, je suis perdue ! L’empereur fit un signe ; aussitôt les rivages se couvrirent de monde, une musique joyeuse éclata soudain ; des jonques pavoisées, ouvrant comme une aile leur grande voile en nattes de bambou, s’avancèrent de tous côtés, chargées de mandarins et de hauts fonctionnaires en costumes de cérémonie. En se voyant la prisonnière de cette foule, soumise à l’empereur, Lon-Foo, désespérée, leva les yeux au ciel.

— Mon cher Li-Tso Pé ! s’écria-t-elle, Dieu veuille que nos âmes se rejoignent un jour, car dans ce monde nous ne nous reverrons plus !