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LA BATELIÈRE DU FLEUVE BLEU

j’aurais bien voulu lui demander quelques renseignements sur la façon de diriger le bateau.

À ce moment, un paysan arriva au bord de l’eau et sauta dans la barque.

— Allons, vite, dit-il, je suis pressé, passe-moi sur l’autre rive.

Lon-Foo, assez embarrassée, descendit dans le chan-pan avec de grandes précautions, puis elle s’assit et prit les rames ; mais elle s’en servit avec tant d’inexpérience, que le bateau oscilla, fit mille zigzags et avança fort peu.

— Perds-tu l’esprit ? s’écria le paysan avec colère, et veux-tu me faire chavirer ?

— Je suis mal éveillée encore, dit Lon-Foo. Elle atteignit cependant l’autre bord du fleuve, et le paysan, après avoir violemment injurié la batelière, s’éloigna sans payer le prix du passage.

Lon-Foo, sous ces injures, eut envie de pleurer ; mais elle se remit bientôt.

— Bah ! dit-elle, si cet homme savait que je suis recherchée par l’empereur, il se traînerait à mes pieds, le front dans la poussière.

Pendant tout le cours de la journée, la jeune batelière eut plus de peine encore à diriger son bateau à travers les embarcations de toute sorte qui sillonnaient le fleuve ; bien des fois elle faillit chavirer ; mais le soir, elle savait aussi bien que personne conduire un chan-pan sur le fleuve Bleu.

Brisée de fatigue, elle dormit dans la rustique