Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/228

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

Après avoir déposé le passant sur l’autre rive, la barque revint près de Lon-Foo qui se leva et fit un signe à la batelière.

— Tu veux passer ? dit la vieille femme.

— Non, dit Lon-Foo, je veux te demander un renseignement : où pourrait-on acheter un bateau semblable au tien ?

— Tout neuf ?

— Neuf ou vieux, cela importe peu.

— Si j’en trouvais un bon prix, je céderais bien le mien et je m’en irais vivre avec mes enfants, dit la batelière ; je me fais vieille et l’humidité ne me vaut rien.

— Vraiment, tu me vendrais ton bateau ! s’écria Lon-Foo joyeusement ; quel prix en veux-tu ?

— Trois liangs d’or, dit à tout hasard la vieille femme.

— Je vais te les donner.

La batelière ouvrit des yeux démesurés, et lorsqu’elle vit briller les liangs, elle les saisit vivement, sauta sur le rivage et, après plusieurs saluts, s’éloigna avec rapidité.

Elle craignait que la jeune acheteuse ne se ravisai ; elle avait vendu son bateau à peu près le triple de ce qu’il valait.

— Tu trouveras dans la cabine quelques provisions et deux mesures de riz que je te laisse par dessus le marché ! s´écria-t-elle de loin.

— Pourquoi s’enfuit-elle si vite ? se dit Lon-Foo ;