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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

fons dans un coin de la chambre et les recouvrit d’un lambeau de natte.

— Voici tout ce que je puis t’offrir pour te reposer, dit-elle à Lon-Foo.

La jeune fille s’étendit sur cette couchette rustique.

Bientôt la lumière fut éteinte, et Ton n’entendit plus dans l’obscurité que les ronflements sonores des deux vieillards.

Lon-Foo ne dormit pas. Dès la première lueur du matin, elle se leva, ôta ses vêtements de soie et endossa le costume de fille du peuple : puis, sans bruit, elle sortit de la maison.

Le faubourg était désert encore ; quelques chiens hâves, furetant dans les ruisseaux, peuplaient seuls les ruelles misérables. La jeune fille se hâta de quitter ce quartier sordide et gagna une large avenue qui descendait vers le fleuve. Bientôt le Fils aîné de l´Océan roula devant elle ses ondes d’azur.

Le ciel matinal jetait des reflets argentés sur le fleuve ; une brise presque insensible faisait courir un frisson à la surface de l’eau et déformait le mirage d’un pagode située sur la rive. Dans les joncs, des oiseaux aquatiques piaillaient et battaient des ailes ; des grues s’envolaient du faîte des arbres en poussant de long cris, et à l’horizon les hautes montagnes se profilaient vaguement parmi les brumes filas et roses de l’Orient.

Lon-Foo s’assit sur l’herbe, au bord du fleuve