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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

nous a protégés en ordonnant ton départ ! Quels dangers s’amasseraient aujourd’hui sur la tête du rival de l’empereur !

III

Lon-Foo traversa avec assurance la place de Li-cou-li et s’enfonça dans une rue. Il faisait une nuit profonde ; le ciel était couvert ; aucune lumière ne brillait à aucune fenêtre. La jeune fille ne savait où elle allait ; elle marchait rapidement, ta tant le mur de la main, trébuchant quelquefois, mais ne s’arrêtant jamais ; elle s’engagea bientôt dans un enchevêtrement de ruelles étroites qui ne dormaient pas encore ; on entendait des bruits de voix, des rires ; des filets de lumière filtraient sous les portes, les papiers huilés des fenêtres s’éclairaient vaguement. Lon-Foo, un peu effrayée, avançait avec hésitation. Cependant, elle se hasarda à regarder par une fissure à l’intérieur d’une de ces maisons sourdement bruyantes : elle aperçut des hommes ivres attablés. La jeune fille fit un bond en arrière, et s’enfuit plus vite. Tout à coup, au tournant d’une rue, elle vit briller les lanternes d’une ronde de police.

— Hélas ! s’écria-t-elle, prise par ces soldats que deviendrai-je, et comment expliquer ma présence dehors après la deuxième veille sonnée ? Elle s’était adossée à une maisonnette obscure et