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LA BATELIÈRE DU FLEUVE BLEU

avec sa vieille grand’mère et quelques serviteurs. Leur fortune était modeste, mais plus que suffisante pour leurs besoins. Lon-Foo avait dix-sept ans. Élevée par cette grand’mère pleine d’indulgence, elle jouissait d’une liberté plus grande que celle accordée d’ordinaire aux jeunes filles chinoises ; elle brodait peu, préférant la lecture, ou les jeux en plein air ; l’appartement intérieur où les femmes ont coutume de se tenir l’étouffait, et surtout depuis le jour où elle avait aperçu Li-Tso-Pé, elle passait son temps au jardin.

La nuit du départ de son fiancé, Lon-Foo ne dormit pas et pleura sans cesse. Aussi, le lendemain matin, lorsqu’elle se regarda dans son miroir d’acier poli, semblable au disque de la lune, elle vit qu’elle avait les yeux rouges et gonflés ; pour ne pas inquiéter sa grand’mère, elle voulut faire disparaître ces traces de larmes, et trempa à plusieurs reprises son joli visage dans l’eau fraîche.

Tandis qu’elle était ainsi occupée, un coup frappé sur le gong de la porte d’entrée la fît tressaillir.

— Qui donc vient de si grand matin ? dit-elle.

Et elle descendit précipitamment de sa chambre au rez-de-chaussée. Sa grand’mère était déjà sous l’auvent de la maison, et deux serviteurs couraient vers la porte du jardin ; mais lorsqu’ils l’eurent ouverte ils ne virent personne. Seulement, un coffre de laque était posé à terre ; les serviteurs le ramassèrent et l’apportèrent à leur maîtresse.