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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

— Qui sait si celui qui part reviendra jamais ? dit Lon-Foo en sanglotant ; qui sait si lorsqu’il reviendra celle qui reste sera là encore ?

— Que veux-tu que je fasse ? dit Li-Tso-Pé, gagné par les larmes ; parle. Je resterai si tu l’ordonnes.

— Non, non, pars, dit Lon-Foo. Va, je serai forte, et quoi qu’il arrive, je te le jure sur les mânes de mon père ici couché, rien ne pourra me faire changer.

— Au revoir donc, dit Li-Tso-Pé ; le jour va disparaître, il faut rentrer. Les deux amis se serrèrent la main et se séparèrent tristement.

Lorsque la jeune fille repassa à travers le cimetière, un homme qui priait sur un tombeau magnifique Là vit et sembla s’intéresser à elle. Il remarqua ses larmes et crut qu’elle pleurait un parent mort depuis peu. Arrivé hors du cimetière, cet homme fit signe de s’éloigner à une escorte qui l’attendait. Il n’avait pas perdu de vue la jeune fille qui, absorbée dans sa douleur, ne regardait rien. Il la suivit, et lorsqu’elle fut rentrée chez elle, l’homme écrivit sur ses tablettes : Place de la tour de Li-cou-li, la maison des dragons bleus.

II

Lon-Foo était orpheline. Sa mère était morte en la mettant au monde ; son père avait perdu la vie dans un combat glorieux. La jeune fille vivait seule