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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

— C’est toi, Li-Tso-Pé ? dit-elle avec un sourire affectueux.

— Lon-Foo, dit Li-Tso-Pé rapidement, va près du tombeau de tes ancêtres, je t’y rejoindrai ; prends par la rue des Lions-de-Fer ; je prendrai un autre chemin.

— J’y cours ! dit Lon-Foo effrayée par l’air de tristesse empreint sur le visage de Li-Tso-Pé. Le jeune homme s’éloigna d’un pas rapide et gagna le cimetière. Il y arriva bien avant la jeune fille et s’assit sur une tombe, au pied d’un cavalier de pierre.

De toutes parts, sur les tombes, on voyait des cavaliers semblables à celui auprès duquel Li-Tso-Pé s’était arrêté. Les quatre pieds des chevaux étaient fixés en terre et disparaissaient à demi sous les hautes herbes. Les guerriers étaient représentés en habits de combat, brandissant leurs lances. On voyait aussi de grandes avenues bordées de dromadaires, d’éléphants ou de lions de pierre se faisant vis-à-vis. Toutes ces statues se détachaient en noir sur le ciel rose et bleu pâle, et de grandes ombres obliques s’étendaient sur le sol.

Bientôt une forme svelte et gracieuse se glissa à travers la forêt formée par les jambes, massives ou grêles, des animaux de pierre ; elle atteignit la tombe près de laquelle s’était assis Li-Tso-Pé et s’assit à côté de lui.

— Me voici, dit-elle ; l’angoisse serre mon cœur, car j’ai vu que ton visage est triste.