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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR


Alors Pé-Ya arracha un poignard de sa ceinture, coupa les cordes de la Lyre, souleva des deux mains l’instrument sonore au dessus de la table des offrandes, et le jeta avec violence. Les chevilles de jade sautèrent, les douze chevalets d’or s’éparpillèrent, et la caisse fut mise en pièces.

Le vieillard stupéfait demanda en tremblant pourquoi il agissait ainsi. Pé-Ya répondit par ces vers :


« Je brise la lyre, déjà les plumes du phénix sont refroidies.

« Tse-Tchi n’existe plus, pour qui donc jouerais-je ?

« Certes, je peux rencontrer beaucoup de compagnons aimables et caressants comme le vent printanier.

« Mais l’ami qui s’accorde à mon cœur, il serait trop malaisé de le retrouver. »


— Hélas ! c’est trop vrai ! s’écria le vieillard.

Pé-Ya lui demande s’il habitait dans le haut ou dans le bas du village de Tsé-Lien.

— J’habite le haut Tsé-Lien, la huitième maison ; mais pourquoi me demander cela ?

— J’ai trop de tristesse dans le cœur pour pouvoir retourner maintenant avec vous jusqu’à votre demeure. Mais j’ai ici vingt livres d’or : la moitié remplacera le travailleur qui vous procurait quelques friandises ; la seconde moitié servira à acheter quelques champs de sacrifice dont les revenus seront