Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/203

Cette page a été validée par deux contributeurs.
171
YU-PÉ-YA JETANT SA LYRE

élégie pour honorer l’âme de mon ami et le consoler dans sa tombe. Je vais la redire au noble père : qu’il prête l’oreille.

— Je serai bien heureux de l’entendre, dit le vieillard.

Et Pé-Ya récita le chant suivant :


« Je me souviens du dernier automne où je vous rencontrai au bord du fleuve.

« Aujourd’hui, je venais vous rejoindre, mais je n’ai pas aperçu celui dont l’âme est si sensible à l’harmonie du son.

« Je n’ai vu qu’un tertre nouvellement formé.

« Hélas ! cette vue brisa mon cœur ! brisa mon cœur ! brisa mon cœur ! oh ! brisa mon cœur !…

« Je ne peux pas retenir mes larmes, qui roulent en perles.

« En arrivant, combien j’étais joyeux ! Quelle douleur en m’en retournant !

« De sombres nuages courent au dessus du fleuve.

« Tse-Tchi ! Tse-Tchi ! notre amitié valait plus que mille lingots d’or.

« J’aurai beau courir jusqu’aux limites de l’horizon, je ne trouverai personne capable de comprendre l’affection qui nous liait.

« Après ce chant, je ne chanterai plus.

« Ô ! Tse-Tchi ! Mon précieux kin, long de trois pieds, il est mort à cause de vous. »