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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

ils s’approchèrent à l’envi pour assister à ce spectacle.

Pé-Ya, ne jugeant pas qu’il avait assez honoré son ami, dit à son serviteur d’apporter sa Lyre, de la poser sur une table de marbre qu’il placerait devant le tombeau, et Pé-Ya s’assit les jambes croisées en face de l’instrument. Alors il écarta les deux ruisseaux de ses larmes, et fit résonner les cordes.

À peine eurent-ils entendu les sons vibrants du kin, les vulgaires assistants, très surpris, s’agitèrent, tapèrent dans leurs mains, et bientôt se dispersèrent en riant.

— Mon digne oncle, dit Pé-Ya au vieillard, pourquoi, en entendant le petit ministre jouer du kin pour consoler les mânes de votre fils, mon sage frère, tandis qu’il était plongé dans la plus profonde douleur, tous ces gens se sont-ils pris à rire ?

Le vieux Tson répondit :

— Les paysans ne savent rien de la musique, les sons de votre Lyre leur ont paru devoir exprimer la joie, et c’est pourquoi ils ont ri.

— Ah ! je comprends, dit Pé-Ya. Et vous-même, mon digne oncle, comprenez-vous le sens du morceau que j’ai joué ?

— Quand j’étais jeune, je me suis exercé à la musique, mais vieux comme je le suis, mes sens sont affaiblis, et je ne sais plus rien distinguer.

— Eh bien, voici, dit Pé-Ya. J’ai suivi les impulsions de mon cœur, et j’ai improvisé cette courte