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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

Celui-ci se pencha tout près de son oreille, et lui dit :

— C’est monseigneur Yu-Pé-Ya.

— Oh ! c’est le si cher ami de mon fils !…

Yu-Pé-Ya revint à lui, avec des hoquets et des suffocations de douleur. Il se battait la poitrine et exhalait par des sanglots sa profonde désolation.

— Ô sage frère ! s’écria-t-il, lorsque hier au soir mon bateau jeta l’ancre, je pensais que vous manquiez à votre parole. Je ne me doutais pas que vous étiez déjà une ombre, errant au bord des sources souterraines. Vous aviez de rares talents, mais vous n’avez pas eu longue vie.

Le vieillard secoua ses larmes et essaya de consoler l’ami de son fils.

Pé-Ya se leva et salua le vieux Tson.

— Ô ! mon oncle ! dit-il, le cercueil de votre fils est-il encore dans la maison ou enterré déjà dans la campagne ?

— Je ne peux répondre en un seul mot, dit Tson. À ses derniers moments, tandis que ma femme et moi nous étions près de son lit, mon fils me dit :

« Le ciel seul décide si la vie sera longue ou courte. Il ne me permet pas, à moi, d’accomplir mes devoirs envers mes parents comme il le faudrait. Quand je serai mort, je vous prie de m’enterrer au bord du fleuve au pied du mont Ma-Hine, car j’ai promis à mon ami de revenir à cette place. Je ne veux pas manquer au rendez-vous. »