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YU-PÊ-YA JETANT SA LYRE

l’hiver vint ; le printemps reparut, puis l’été. Pas un seul jour Pé-Ya n’oublia son ami ; quand la fête de la mi-automne approcha, il demanda congé à son roi pour retourner dans son pays natal et, l’ayant obtenu, il prépara ses bagages et se mit en route.

Il fit encore le grand tour par la route des fleuves. Quand il se jugea assez proche de son but, il donna l’ordre à ses matelots de s’arrêter à chaque baie et de demander le nom très exact du lieu où on se trouvait.

Au huitième mois, le soir du quinzième jour, les matelots annoncèrent que l’on apercevait la montagne de Ma-hine. Pé-Ya reconnut la contrée qu’il avait déjà vue l’automne dernier et s’écria :

— Arrêtons-nous ici !…

On jeta l’ancre et on enfonça un pilotis pour attacher le navire.

Il faisait beau. Le clair de lune traversait le store rouge de l’habitacle, le perçant de fils lumineux. Pé-Ya donna l’ordre de le relever ; puis il s’avança sur le pont et se tint debout à l’avant. Il contempla le Boisseau du Nord (La Grande Ourse), il plongea ses regards dans l’eau, puis les releva vers le ciel : dans l’immensité tout est clair comme en plein jour. Il songe à la belle soirée de l’an dernier, alors qu’il a rencontré son ami.

La nuit d’à présent est toute pareille et c’est à cette place même qu’il lui a promis de l’attendre. Mais au bord du fleuve il n’y a pas une seule ombre et