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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

le sapin ?… Pourquoi cacher de tels mérites dans les forêts de la montagne ? Vous mêlez les marques de vos pas à celles des bûcherons et des bergers, et vous mêlerez vos restes aux détritus des arbres et des plantes. Je ne trouve pas cela réjouissant.

— Seigneur, je ne vous cacherai pas la vérité, répondit Tse-Tchi. Dans ma maison, au-dessus de moi, j’ai deux vieux parents ; au-dessous de moi, il n’y a pas de bras qui puissent les soutenir. Donc, je coupe du bois pour vivre, et je continuerai tant que mes parents compteront les années. M’offrirait-on une situation égalant celle de trois ducs, je ne consentirais pas à les quitter un seul jour.

— Votre piété filiale est exemplaire, dit Pé-Ya. Un homme vertueux comme vous l’êtes est bien rare dans le monde.

Ils se versèrent réciproquement du vin et burent quelques tasses. L’attitude du bûcheron n’avait pas changé ; il ne s’était pas plus ému des honneurs que du manque d’égards.

— Combien comptez-vous de printemps bleus ? demanda Pé-Ya.

— J’en ai compté, vainement, vingt-sept.

— Le petit mandarin a dix ans de plus que vous. Tse-Tchi, si vous ne me repoussez pas, nous pourrons nous appeler frères, et cela me permettrait de ne pas trahir l’amitié que m’a inspirée celui qui sait si bien apprécier l’harmonie des sons.

— Votre Grandeur s’égare, dit Tse-Tchi, en riant ;