Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.
151
YU-PÉ-YA JETANT SA LYRE

— Je regrette surtout que tu ne connaisses pas le kin à fond : si tu pouvais me donner la preuve que tu le connais, quand même je devrais perdre mes hautes fonctions, je n’hésiterais pas à retarder mon voyage.

— Puisqu’il en est ainsi, moi, pauvre homme, j’ose commencer cette explication, au-dessus de mes forces :

« Le kin a été inventé par l’empereur Fo-Shi. Il avait vu l’âme des cinq planètes s’abattre, en volant, sur l’arbre Ou-Tong. Le Phénix, qui est le roi des oiseaux, qui ne mange que les fruits des bambous et ne boit qu’aux sources les plus pures, perche seulement dans cet arbre.

« Fo-Shi jugea que le Ou-Tong, qui semble avoir absorbé l’âme de la nature, est le plus précieux des arbres, et qu’il pouvait servir à former un excellent instrument de musique.

« Il ordonna de couper l’arbre qui était haut de trente tsiens et trois tseus, chiffre correspondant au nombre des trente-trois cieux. Après qu’il fut abattu, il le fit couper en trois morceaux, figurant les trois principes élémentaires : le ciel, la terre et l’homme. Il frappa alors la plus haute de ces trois parties, et trouva le son qu’il rendait trop clair et le bois trop léger ; il repoussa ce fragment ; il frappa la partie inférieure qui rendit un son trouble et sombre parce qu’elle était trop lourde. La partie du milieu donna