Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.
150
LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

— Tu peux t’asseoir.

Sans aucun embarras le bûcheron s’assit, tout simplement.

Pé-Ya, un peu surpris et choqué de ce sans-façons, ne lui demanda pas, comme c’est l’usage de le faire, son nom de famille et son prénom ; il ne commanda pas non plus le thé. Ils restèrent ainsi longtemps, sans parler ; à la fin ce fut Pé-Ya qui, gêné par ce silence, le rompit.

— Qui donc tout-à-l’heure du haut de la montagne a écouté le kin ? dit-il. Est-ce toi ?

— J’ose à peine avouer que c’est moi, répondit le bûcheron.

— Je te le demande : Mais puisque c’est bien toi qui écoutais, tu dois savoir l’histoire du kin, de quelle main est sorti celui-ci, et quels sont les bienfaits qu’on peut retirer de ce noble instrument.

Au moment où Pé-Ya faisait ces questions, le patron du bateau vint dire :

— Maintenant le vent est bon, la lune éclaire comme en plein jour : peut-on reprendre la route ?

— Attendez encore, dit Pé-Ya.

— Je suis très honoré que Votre Grandeur ait daigné me recevoir, dit le bûcheron ; mais je regretterais que les bavardages, floconnant comme le duvet du cotonnier, d’un pauvre homme tel que moi, vous fassent manquer la brise favorable qui pousserait votre navire.

Pé-Ya répondit en riant :