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YU-PÉ-YA JETANT SA LYRE

— Votre Grandeur a prononcé des paroles insensées, dit-il. N’avez-vous pas entendu dire que dans un village de dix maisons il peut se rencontrer un homme sincère et juste, mais que là où habite un sage, bientôt un autre sage se présente au seuil de la porte attiré par la renommée ? Pourquoi votre orgueil vous fait-il supposer que cette montagne sauvage ne peut pas abriter un être digne d’écouter le kin ? Alors, en ce cas, au fond de la nuit, on ne devrait pas se permettre d’en jouer.

Pé-Ya comprend, à ces expressions peu vulgaires, qu’il s’agit vraiment d’une personne digne d’attention ; il arrête les clameurs des serviteurs et s’avance sur la porte de l’habitacle.

— Hé ! vous ! habitant de la haute montagne, dit-il, vous êtes demeuré longtemps debout pour écouter le kin : savez-vous quel morceau j’ai joué tout à l’heure ?

L’homme répondit :

— Moi très humble, si je ne l’avais pas su, je ne me serais pas arrêté pour l’écouter. Le morceau que Votre Grandeur a joué tout à l’heure, c’est Khon-Tsé (Confucius) qui l’a composé, en pensant à son disciple préféré Hy-Houëi.


« Quelle pitié ! ô triste sort d’Hy-Houëi mort si jeune !

« Depuis qu’on le pleure les cheveux ont eu le temps de se couvrir de gelée blanche.

« Il était si heureux, lui, de sa petite maison, de sa corbeille de riz et de son gobelet à boire ! »