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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

déserte, d’où peut venir cet être qui m’a écouté ?… Ah ! je devine : un de mes ennemis a posté là quelque assassin pour me tuer ; ou bien, un voleur guette, au fond de la nuit, et veut attaquer mon bateau, paré de tant de richesses.

Et il crie à ses serviteurs :

— Explorez la contrée, dans toutes les directions ; montez sur la montagne et cherchez partout : s’il n’y a personne sous l’ombre des saules, certainement dans les roseaux quelqu’un se cache.

Les serviteurs exécutèrent l’ordre ; en grand tumulte, ils se préparèrent à gravir la montagne, mais, tout à coup, un homme parut sur le quai qui dit à haute voix :

— Seigneur de ce navire, ne redoutez rien : moi, très humble, je ne suis ni voleur, ni assassin, mais simplement bûcheron. J’ai ramassé des bûches et je rentrais, un peu en retard, quand l’orage m’a surpris. Mes habits de pluie étaient impuissants à me protéger et j’ai caché mon corps dans un coin de la montagne. L’orage passé, j’ai repris ma route, mais en entendant résonner les cordes de votre instrument, je me suis arrêté pour écouter le kin.

— Oh ! comment un bûcheron de la montagne ose-t-il écouter le kin ? dit Pé-Ya, en riant. Je mets en doute sa parole et je la compte pour rien. Et il ajouta :

— Renvoyez-le.

Mais le bûcheron ne s’en alla pas.