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YU-PÉ-YA JETANT SA LYRE

la pluie s’arrête ; les nuages s’écartent et le disque très pur de la lune se présente.

Après la pluie, sa lumière semble rafraîchie et d’une clarté incomparable. Tout seul sur son navire, Pé-Ya est néanmoins un peu triste ; il appelle un serviteur :

— Brûlez des parfums dans les cassolettes, dit-il : je veux jouer un morceau sur le kin (lyre), pour alléger mon cœur.

Le serviteur alluma les parfums, apporta le kin dans son étui de soie, et le posa, sur son support, devant Pé-Ya.

Celui-ci ouvrit l’étui, en tira le kin et l’accorda. Il commença de jouer, et bientôt, sous ses doigts, l’instrument rendit des sons troubles ; et avant que le morceau fut terminé, avec un bruit sec, une corde se cassa.

Pé-Ya, très surpris, s’arrêta.

— Demandez donc au pilote dans quel lieu nous sommes, cria-t-il.

— Le vent et la pluie nous ont contraints de nous arrêter au pied d’une montagne, lui répondit-on. Il n’y a aux alentours que des plantes et des arbres, on ne voit aucune habitation.

— C’est donc un pays encore désert, dit Pé-Ya ; mais s’il existe aux environs une ville ou un village, sans doute un de ses habitants a entendu mon kin par surprise, car le son a changé tout à coup et une corde s’est rompue. Si la montagne est vraiment