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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

Cependant, elle me semble briller toute pleine de rosée. C’est la lune, sans doute, qui se mire dans les paillettes de marbre.

(Il descend rapidement et ramasse le sachet.)

Ah ! (Il respire.) C’est bien une fleur par le parfum.

(Il s’avance de quelques pas et cherche un rayon de lune.)

Je suis inconnu dans cette ville, nul visiteur ne monte l’escalier de ma chambre, comment ce précieux sachet a-t-il été perdu sur cette marche ?… Ne voudrais-je pas croire que quelqu’un l’a jeté là ?… (Il l’examine.) Un paysage est brodé sur l’étoffe. Voyons : je n’ai pas rêvé que les sarcelles sont l’emblème de l’amour conjugal ? et voici bien deux sarcelles qui voguent côte à côte. Ah ! quatre vers tracés en fil d’or sur la soie. Je puis les lire à la clarté de la lune.

(Il lit.)

De son nid, une tourterelle
Vit un ramier blanc qui volait,
Et rêva de lui nouer l’aile
Avec un ruban violet.

Cette fois, le doute n’est plus permis ; c’est bien à moi que sont adressés ces vers et c’est une femme qui les a composés. Tâchons de les bien comprendre et d’en découvrir le sens caché. Elle se compare à une tourterelle qui voit passer un ramier blanc. Cela veut dire qu’elle n’ignore pas mon nom qui signifie le ramier blanc et qu’elle désire être ma compagne. Elle fait aussi allusion à ma situation dans cette ville où je ne fais que passer. C’est bien cela ; elle vou-