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LE RAMIER BLANC

les mille diamants qui scintillent sur le lac ! Comment dormir par une semblable nuit ? Ne respires-tu pas le tiède vent d’est qui effeuille les fleurs de pêchers et se parfume en frôlant nos vêtements de soie ? Vois donc cette goutte de rosée, suspendue à la pointe d’une herbe : elle a volé un rayon à la lune et se croit une petite étoile. Écoute la voix tendre et sonore du rossignol.

(La fenêtre de la pagode s’est ouverte, on entend le prélude d’une flûte.)
FAN-SOU, ironique.

Le rossignol ?

PÉ-MIN-TCHON (Il chante dans la coulisse.)

J’ai vu les plus beaux pays,
J’ai vu les dieux d’or et d’azur,
Les palais, les champs de riz,
La tour qui luit dans le ciel pur.

FAN-SOU

Ma chère maîtresse, si tu tiens absolument à jouir de cette nuit de printemps, éloignons-nous un peu d’ici ; il n’est pas convenable que des femmes se promènent ainsi sous la fenêtre d’un jeune homme.

SIAO-MAN

Que dis-tu, Fan-Sou ? N’est-ce pas un pieux Lao-tseu qui chante un hymne saint à Fo ?