Page:Gautier - Le Paravent de soie et d’or, 1904.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
102
LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR



Scène PREMIÈRE


SIAO-MAN
SIAO-MAN, elle porte une lanterne allumée et sort avec précaution du pavillon de droite.

Hélas ! c’est mal ce que je fais là ! Sortir ainsi, la nuit, au lieu de dormir paisiblement, la joue sur l’oreiller de soie. Pourtant, la nuit est arrivée à mi-chemin dans le ciel, et tous les rêves commencés sont à la moitié de leur cours. Mais la nuit est longue et fiévreuse pour celle qu’une pensée tyrannique tient éveillée.

(Elle pose sa lanterne sur la dernière marche du perron et s’avance.)

Je tremble comme un voleur ! Serais-je coupable vraiment d’être venue respirer la douceur de cette nuit de printemps ?… Non, mais… suis-je bienvenue pour cela seulement ?… Pourquoi donc, au lieu de réveiller ma suivante Fan-Sou pour la prier de m’accompagner dans cette promenade, me suis-je glissée silencieusement le long des rampes, en retenant les perles sonores qui bruissent à ma ceinture ! Pourquoi, depuis plusieurs nuits, le sommeil s’éloigne-t-il de moi ? Et pourquoi, pendant ces longues veilles, ai-je secrètement brodé sur un sachet odorant des sarcelles de soie qui voguent côte à côte sur un lac en fil d’argent ?… Je n’ose m’avouer à moi-même que j’ai brodé ce sachet pour un jeune voyageur qui loge