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LE PARAVENT DE SOIE ET D’OR

(Il s’assied.) C’est mortel, à ce que l’on dit, de se laisser gagner par le sommeil dans un cas pareil, mais… comment résister ?… Alors je suis mort.

(À ce moment Perle-Fine, descendue de sa chambre, frappe à la porte.)

— Cher Bambou-Noir ! cria-t-elle. Vivez-vous encore ?

— Ah ! Perle-Fine ! Je vis encore un peu ! bien peu !

— Hélas ! l’inquiétude m’a chassée de mon lit, des ruisseaux de larmes gèlent sur mes joues.

— Ma piété filiale est tout ce qui reste de chaud en moi, dit le jeune homme.

— Je suis cause de vos souffrances !

— Non, non, tu m’as sauvé au contraire ; j’allais m’endormir, mais l’énergie me revient. Va, va, rentre chez toi, ne reste pas dans ce couloir glacial. À tout à l’heure ! Tu seras ma femme, je le jure.

— Le ciel vous exauce ! dit-elle en s’éloignant.

(Bambou-Noir se met à parcourir la salle en courant, sautant sur les meubles et faisant toutes sortes de gambades.)

— Les sages nous enseignent que le mouvement se transforme en chaleur ; nous allons voir si cela est vrai.

(Il empoigne un chien de faïence et le met sous son bras, en continuant à courir.)

Ah ! je sens déjà par tout le corps un picotement insupportable, comme si des milliers de fourmis me dévoraient. C’est bon signe, la vie revient.

(En prenant le second chien de faïence sous son bras :)