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LA TUNIQUE MERVEILLEUSE

BAMBOU-NOIR

Soyez tranquille.

— Eh bien ! me voici dans une belle situation ! s’écria Bambou-Noir resté seul. Je suis déjà transi jusqu’aux moelles ! Maudit vieillard ! (Regardant autour de lui.) Pas un tapis dans lequel on puisse s’envelopper ! (Il remue les cendres du réchaud.) Glacées ! brou ! j’ai l’onglée, mes pieds sont comme paralysés. Si je triomphe pourtant, quel bonheur ! Est-ce que cette pensée ne suffira pas à me réchauffer ? (Il frissonne.) Non… Essayons de dormir. En me reployant sur moi-même, je conserverai peut-être le peu de chaleur qui me reste. (Il se couche sur le banc devant la fenêtre.) Hélas ! pourquoi la vertu de ma tunique est-elle illusoire ? (Il se tait et tâche de dormir. — On entend alors, à travers les serrure, sous les portes, de tous côtés, des sifflements, des miaulements, des hurlements extraordinaires, produits par le vent. (Se relevant.) Qu’est-ce que Cela ?… Une légion de diables semblent se combattre. Ils miaulent, ils beuglent. (Il se lève.) Le roi des tempêtes tient ici Sa cour… (Il prend le paravent et essaye de s’abriter.) Non, c’est par là… (Il le change déplace.) Par ici plutôt. (Il change encore.) C’est de tous les côtés. (Il s’enveloppe du paravent.) Voyons de Cette façon ! (En sortant brusquement.) Non, cela forme un tirage capable de m’enlever ! (Il claque des dents.) Aïe ! j’ai failli me casser une dent ! Je n’y tiens plus ! il me semble que mon sang se fige… une somnolence… un engourdissement…