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en lui, l’amour paternel ne l’est pas moins, et il tremble, il hésite. Cependant, il le faut, il va frapper, quand survient sa femme, Sougni, la jeune mère, inquiète des allures étranges de son mari.

Alors il lui avoue tout, lui raconte sa peine.

— C’est moi qu’il faut tuer, s’écrie la femme. Je serai heureuse de procurer, par ma mort, un soulagement à ta mère.

Est-ce assez simplement, niaisement sublime ?…

Et le mari trouve cela très naturel, c’est si bien dans la tradition, dans le caractère de la race. Il ne fait pas d’objection : il étrangle sa femme, et la malheureuse, tandis qu’il tire d’un côté sur la corde, pour aider, elle tire de l’autre.

Quand elle est morte, il reprend le couteau, lui fend l’abdomen, et retire le foie ; puis il allume du feu et le fait cuire dans une casserole.

Sa vieille mère va donc être guérie, enfin !… Mais non, elle ne goûtera même pas au remède ; des modernes sont allés chercher la police, on saisit le corps du délit. La pauvre Sougni s’est sacrifiée pour rien ; sa belle-mère n’aura pas le remède infaillible, ses yeux resteront malades, et son mari va être condamné à neuf ans de réclusion majeure, laissant ainsi sa fille et sa vieille mère privées du riz quotidien.

Cet arrêt, tout adouci qu’il soit par le bénéfice de circonstances atténuantes, ne semble pas être de la même époque que ce forfait d’une candeur et d’une