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PRÉFACE
par jean aicard, de l’académie française

« Faire un beau voyage, » quelle émotion soulevaient ces simples mots dans notre cœur d’enfant ! Quel trouble délicieux ils y éveillent encore !

Espérer, c’est vivre. Nous ne vivons vraiment que par l’attente d’on ne sait quoi d’heureux qui va probablement nous arriver tout à l’heure… ce soir… demain… ou l’année prochaine. Alors, n’est-ce pas ? tout sera changé ; les conditions de notre vie seront transformées ; nous aurons vaincu telle ou telle difficulté ; triomphé de l’obstacle qui s’oppose à notre bonheur, à la réalisation de nos désirs d’ambition ou d’amour. L’enfance, puis l’adolescence, se passent ainsi à appeler l’avenir inconnu, à le rêver resplendissant de couleurs magiques. Être jeune, c’est espérer, sans motif raisonné, malgré soi, à l’infini — c’est-à-dire voyager en esprit vers des horizons toujours nouveaux — courir allègrement au-devant de toutes les joies.

La plupart des hommes, rivés aux mêmes lieux par la nécessité, s’habituent à ne plus rien attendre. Ils ont appris plus ou moins vite que demain sera pour eux tout semblable à hier ; la ville ou le village ou les champs qu’ils habitent ne leur apprendront jamais rien de plus que ce qu’ils savent.