Page:Gautier - Le Japon (merveilleuses histoires), 1912.djvu/109

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Boïtoro était très gai ; il riait et plaisantait avec son futur beau-frère, tout en dévorant des yeux la belle Yamata. Mizou, elle aussi, semblait heureuse : elle regardait Miodjin en-dessous avec des demi-sourires ; mais celui-ci, pâle et silencieux, tenait ses regards obstinément baissés et mangeait à peine.

Yamata, elle non plus, ne mangeait rien.

Fûten avait dit quelques mots à l’oreille de la chanteuse de légendes qui avait accordé son biva, et chantait maintenant des vers qu’elle improvisait. Ces vers se rapportaient aux préoccupations secrètes de tous ; ils parlaient de jeunes gens, assis sur l’herbe, dînant ensemble pour la première fois. Songeant au repas de famille qui rassemble chaque jour ceux qui s’aiment, ils buvaient du saké dans des tasses emmaillottées de paille, mais pensaient qu’il serait plus doux de vider le joli vase à deux goulots où l’on boit le jour des noces.

« Qui sait ce qui arrivera ? dit-elle en terminant. Cela dépend du dieu des vents, il soufflera ici ou là, rassemblant ou séparant. »

Cette allusion au nom de Fûten, qui est aussi celui du Génie des Vents, était transparente ; tous levèrent les yeux vers Fûten avec des sourires.

«  Allons, s’écria-t-il gaiement, il faut offrir quelques libations à ce génie capricieux afin qu’il souffle au gré de chacun. Reçois ceci, Fûten. »

Et il vida d’un seul trait une pleine coupe de saké.