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orphelins, nous nous sommes connus sur les bancs de l’école et nous nous sommes aimés. Il est Samouraï[1] comme moi, nos fortunes sont suffisantes et nous en sommes maîtres depuis quelques mois. Voici un an que nous aimons secrètement tes sœurs et nous étions revenus ici pour conclure les mariages.

— Eh bien, je songerai à cela, » dit Fûten, et il reprit son air enjoué et se mit à courir parmi les arbres, défiant Boïtoro de l’attraper.

On avait choisi le lieu du repas, et les serviteurs l’entouraient de nattes de roseaux qui formaient comme une muraille. Ils étalaient aussi des nattes sur l’herbe épaisse et y disposaient les provisions sur de petites tables basses, en laque noire fleurie d’or. Des bouilloires, des bols de porcelaine à ramages bleus, les mets chauds fournis par l’aubergiste, le riz, le saké, couvrirent bientôt le sol.

La chanteuse de légendes, après avoir installé son pupitre orné de deux gros glands rouges et appuyé contre le pupitre le biva silencieux, se promenait, en cueillant des fleurs. Les nouveaux amis causaient par groupes. Mais bientôt la mère de famille frappa dans ses mains en criant :

« C’est prêt… c’est prêt. »

Et tout le monde se rassembla, s’accroupit en rond, et l’on s’arma de petits bâtonnets, de laque ou d’ivoire, que l’on tient d’une seule main et que l’on fait manœuvrer comme des pinces. Chacun attaqua le repas.

  1. Titre de noblesse.