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de l’avenue, s’alignent des pavillons affectés au logement des guerriers inférieurs. Ils sont symétriquement construits et joints l’un à l’autre par des palissades de laque ; sur leurs toits dorés flottent d’innombrables banderoles, et parmi eux les palais des chefs, hauts, superbes, brillants, se dressent comme des tsien-tiouns au milieu d’une armée.

Devant chacune des trois autres entrées de la ville, comme devant le Portail du Sud, le boulevard s’épanouit en une immense place qu’entourent des arsenaux, des greniers à riz, des magasins de costumes guerriers, les quatre précieuses bibliothèques impériales et le Quartier de la Force contient les habitations de plus de trois mille eunuques.

Mais, par quelque porte qu’on entre, si l’on pénètre dans les larges rues dallées de gris et de rose qui partent du boulevard, bientôt on ne rencontre plus que des mandarins sans cortège, des savants ou des glorieux poètes. La ville change de caractère ; on approche de la Cour de la Splendeur. Les avenues et les places sont traversées tantôt par des canaux pleins de poissons rares, que franchissent de gracieux ponts en pierre multicolore, tantôt par des portes triomphales en marbre blanc, où un sculpteur habile a creusé d’ingénieux paysages : fleuves ondoyants avec leurs rivages fleuris d’où se penchent des saules au feuillage symétrique, horizons de montagnes traversés par de féroces guerriers qui chevauchent des lynx. On voit s’élever le Nei-Ko, la Grande Chancellerie ; l’enceinte des