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— On nous obligea de monter les degrés innombrables d’un escalier d’albâtre ; puis on nous entraîna par des galeries obscures, et longtemps nous roulâmes dans l’ombre, et enfin on nous poussa dans une salle rayonnante, et j’entendis crier : « Voici des espions que nous avons surpris rôdant autour de la pagode ! »

Ko-Li-Tsin, qui portait à sa bouche une tasse de vin de riz, la replaça sur la table sans y tremper les lèvres, et ouvrit infiniment les yeux.

— Un Grand Bonze, très majestueux, parlait à une assemblée nombreuse. À notre arrivée il se tut et tous les assistants levèrent les bras avec épouvante. Puis, tandis que nous nous débattions, trois jeunes prêtres nous emmenèrent dans une chapelle voisine, et le Grand Bonze lui-même vint nous interroger. Je répondis simplement que je venais du champ de Chi-Tsé-Po à la suite d’un laboureur en qui j’avais foi et dont l’ambition était immense. Mais Ta-Kiang refusa de parler. Alors le Grand Bonze dit aux prêtres : « Levez vos lanternes vers le visage de cet homme, afin que je voie s’il porte le front d’un traître. » Et les prêtres levèrent lentement leurs lanternes.

Yo-Men-Li cessa de parler, et feignit de chercher sous la table un petit bâton qui n’était pas tombé.

— Bien ! bien ! très bien ! dit Ko-Li-Tsin, non moins embarrassé qu’elle. Ils levèrent leurs lanternes. Ah ! ah ! ils firent très bien.

Et craignant de hasarder la moindre allusion à l’ombre miraculeuse qu’avait dû produire Ta-Kiang