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t’a confiée. Va, et que les Pou-Sahs te conduisent.

Ko-Li-Tsin traversa la cour, trouva la porte en tâtant les murs, l’ouvrit, vit une rue et pensa : Je suis sauvé.

Mais les serviteurs du mandarin, convaincus, après avoir fouillé le jardin en tout sens, que leur victime future n’y était plus, étaient allés, par groupes, surveiller toutes les issues de la maison et du jardin. Quatre ou cinq d’entre eux aperçurent Ko-Li-Tsin au moment où il mettait le pied dans la rue, et se précipitèrent sur lui en hurlant.

— Je crois que tous les méchants Yé-Kiuns sont conjurés contre moi, mais je leur échapperai, s’écria le poète, aussi certainement que Ta-Kiang sera empereur et que j’épouserai la fille du gouverneur du Chen-Si !

Et il se mit à courir tout droit devant lui, d’une course folle que hâtaient les cris menaçants de la troupe acharnée à le suivre. Il entra dans l’Avenue de l’Est et la gravit vers le nord. Les domestiques le harcelaient encore. Il courut plus vite, il étouffait. Il se trouva tout à coup devant l’énorme lac artificiel qu’on nomme la Mer du Nord. Contraint de s’arrêter, il entendit plus proche les clameurs et les pas de ses ennemis. Il pensait à se précipiter dans l’eau, lorsqu’il aperçut une barque amarrée au tronc d’un saule. D’un bond il y tomba, rompit la corde qui la retenait au rivage, saisit la godille, et, furieusement, tandis que les domestiques du mandarin allaient, eux aussi, atteindre le bord, il dirigea le léger bateau