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franchir ce mur trop lisse, il feindra de ne pas m’entendre, et je n’aurai pas lieu d’être blessé de son indifférence, car à peine se dérangerait-il pour Kong-Fou-Tzé ou pour le grand Li-Tai-Pé.

Des vibrations de cloches s’envolèrent de la Tour Orientale, tantôt sonores et paraissant tout proches, tantôt sourds et lointains ; c’était la première veille qui sonnait.

— Voici la dixième heure, dit Ko-Li-Tsin. Il faut que je sorte ; il faut que je retrouve Ta-Kiang et Yo-Men-Li. Je frémis en songeant au danger que court la grandeur future de mon maître, exposée à la curiosité grossière des voleurs et des veilleurs plus redoutable. D’ailleurs, j’ai très faim. Pourquoi ai-je commis l’imprudence de me mettre en voyage sans emporter une quantité raisonnable de nids d’hirondelle dans un petit sac de soie pendu à ma ceinture, à côté de mon encrier et de mon pinceau ? C’est sans doute parce que je suis parti peu de temps après le repas. Heureusement, ajouta-t-il, nous sommes à la troisième lune, et les cerises à peu près mûres, en cette saison, pendent aux arbres verts.

Ko-Li-Tsin pénétra dans l’intérieur du jardin et se mit à suivre les contorsions des allées, dans le double espoir de découvrir une issue et de trouver quelque fruit parmi les branches gracieuses des arbres. Il arriva bientôt devant la façade en briques roses d’une petite maison ; une clarté riait, trouble et blanche, à travers des carreaux de papier diaphane.