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Les trois aventuriers avaient franchi la Porte de l’Aurore ; maintenant ils remontaient vers le Nord la longue Avenue de l’Est, et ils allaient dans peu d’instants atteindre la rue transversale où est située l’auberge de Toutes les Vertus. Mais Ko-Li-Tsin, plus prudent qu’affamé, pensa : « Il serait périlleux d’arriver chez Kong-Pang-Tcha avant que les lanternes soient éteintes, car l’ombre miraculeuse qui suit les pas de Ta-Kiang pourrait se montrer à des personnes indiscrètes. Je sais bien que d’ordinaire les Pou-Sahs réservent les visions sacrées aux yeux seuls qui en sont dignes ; néanmoins il ne faut pas s’exposer inutilement à un péril, même douteux. » Et Ko-Li-Tsin dit à son cheval : « Là ! là ! par pitié pour les reins de ton maître, garde une allure modérée. » Mais tout à coup, au moment même où il sacrifiait sa juste impatience d’un repas et d’un lit aux intérêts de son maître, d’éblouissantes lumières éclatèrent, multicolores, à deux ou trois cents pas devant lui.

— Oh ! dit Yo-Men-Li, qu’est-ce que cette foule pompeuse précédée par un homme qui porte un gong, et chargée de tant de belles lanternes ?

— C’est sans doute, dit Ko-Li-Tsin, le cortège d’un mariage, car je vois des personnes à cheval, de grandes tables où s’amoncèlent de somptueux costumes, des chaises à porteurs et d’innombrables musiciens. Voici des lanternes, ajouta-t-il en soi-même, autrement dangereuses que les deux ou trois lampions fumeux de Kong-Pang-Tcha. Il est vrai que le cortège, sorti d’une petite rue, remonte, comme nous, l’Avenue de l’Est ; mais il s’éloigne si