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au plafond des chambres paisibles. Quelquefois il est vrai, les dormeurs sont éveillés en sursaut par un formidable tapage : toutes les montures, libres la nuit dans la première cour, se battent, se mordent, piaffent, hennissent, braient intolérablement. Mais il est un moyen de réduire au silence la plus bavarde bête : on prend une planchette de bois et une corde, on relève la queue de l’âne ou du cheval criard, on la lie à la planchette, puis on attache solidement celle-ci à la croupe de l’animal ; ainsi forcé de tenir sa queue en l’air et privé de la faculté d’accompagner de gestes aimables ses bruyants discours, le plus obstiné tapageur se résigne à se taire et laisse dormir son maître dans l’auberge de Kong-Pang-Tcha. Ah ! belle auberge ! chère auberge ! ne verrai-je pas bientôt luire les douze lanternes en papier peint de ta porte hospitalière ! Un, deux, trois, quatre, ajouta Ko-Li-Tsin, obéissant encore à sa manie invétérée.


Comme l’amoureux absent désire entendre la voix délicate de sa bien-aimée, mon oreille aspire à ta voix rauque, ô Kong-Pang-Tcha !

Le cœur de celle qu’on aime ressemble au foyer bien flambant de l’hôtellerie où le voyageur se chauffe et reprend des forces.

Mais la femme perd sa beauté ; le feu s’éteint ; le voyageur s’égare en des sentiers couverts de neige.

Kong-Pang-Tcha va fermer sa porte ; le dîner sèche sur la cendre des fourneaux, et Ko-Li-Tsin, affamé, erre encore par les chemins.