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avec dédain Ko-Li-Tsin, voici un voyageur qui n’a guère de liangs à sa ceinture, car il ne s’est point arrêté dans une auberge pour y changer de costume ; avec sa robe somptueuse, noire de boue et grise de poussière, il ressemble au lendemain d’une fête.

— Femelle d’âne ! pensa le poète.

Une vieille femme se dirigea vers Yo-Men-Li et lui dit sans politesse :

— Vous êtes des comédiens, n’est-ce pas ? Et c’est toi qui remplis, parce que tu n’as pas de moustaches, le rôle de la belle Siao-Man dans la comédie intitulée la Servante malicieuse ? Il faut me dire dans quelle pagode vous donnerez des représentations, afin que j’aille voir si tu ressembles à une femme quand tu as une tunique longue et de très petits pieds. Au surplus, dit la vieille, tu fais un métier qui n’est pas honorable.

Yo-Men-Li, en rougissant, détourna la tête.

— Des comédiens ? cria un marchand de dîners qui haranguait devant sa porte un groupe de mangeurs attablés. Tu te trompes, vénérable mère ! Ce sont certainement des voleurs qui, chassés de quelque province, viennent exercer leur métier dans la grande Capitale ; et, de leur arrivée, il ne résultera rien de bon ni pour nous ni pour eux. Je me souviens d’un criminel qui est passé devant ma porte, il y a peu de jours, entre quatre bourreaux, et dont la tête, le lendemain, était pendue dans une cage de bois au-dessus justement du quartier de mouton que vous mangez en ce moment, mes hôtes. Eh bien