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vermines si évidentes, que le passant le moins délicat résiste à l’éloquence des brocanteurs et se hâte de continuer son chemin vers l’Avenue du Centre, claire, bruyante, directe, où les poumons se peuvent emplir d’air pur, les oreilles de bruits joyeux, et où le regard embrasse tant d’aspects souriants depuis la Porte du Sud, par laquelle on débouche de la plaine, jusqu’à la Porte de l’Aurore, creusée dans le long mur transversal qui termine la populaire Cité Chinoise.

La Porte de l’Aurore qui donne entrée dans l’élégante Cité Tartare, est précédée d’un fossé souvent à sec, et d’un pont de marbre blanc que d’exquises balustrades à jour partagent en trois ; le chemin du milieu est réservé à l’empereur, qui y passe rarement ; d’ordinaire il est envahi par les mendiants : ils s’y installent et l’encombrent, si bien que ce pont est nommé : Pont des Mendiants. Là, des êtres hâves et décharnés grouillent au soleil, étalent leurs plaies, implorent la charité, ou bien font la chasse à leur vermine, ils jouent aux dés leurs misérables loques, se dépouillant si complètement, parfois, qu’ils sont réduits, pour s’en faire un pagne, à nouer une brique à une ficelle.

La Porte de l’Aurore s’ouvre entre deux boulevards qui accompagnent la muraille, celui-ci vers la gauche, celui-là vers la droite, en face une allée au sol blanc, très large, assez peu longue, se déroule entre des palissades en bois de fer d’où débordent agréablement des branches tortueuses et des grappes de glycines fleuries. C’est la promenade favorite des